Jeudi 15 septembre
Le sommet
Les enjeux de Bratislava vus par la presse bulgare
La crise migratoire reste dans le centre des actualités.
Depuis quelques jours des tensions entre les habitants du quartier Ovtcha Koupel (Sofia) et les migrants accueillis dans le centre pour réfugiés, situé dans ce même quartier, sont observées. Sega indique que les habitants d’Ovtcha Koupel parlent d’attaques commises par des migrants. Mais selon des témoins, ces attaques ont été provoquées par des jeunes habitants du quartier qui ont essayé d’agresser les résidents de ce centre, souligne le journal, qui publie une vidéo, enregistrée la veille par un habitant du quartier et diffusée sur les réseaux sociaux, qui tend à prouver que ce sont les migrants qui sont réellement les victimes d’attaques organisées.
La crise migratoire est l’une des priorités à l’ordre du jour de la réunion, ces 14 et 15 septembre, des chefs d’Etat du Groupe d’Arraiolos (composé des présidents des républiques parlementaire dans l’UE) à Plovdiv. Dans son discours d’inauguration Rossen Plevneliev a souligné la nécessité de renforcer le contrôle des frontières extérieures de l’UE et le potentiel de l’Union de réagir en temps de crise. L’importance de la région [des Balkans occidentaux] et le besoin de plus de stabilité sont démontrés depuis le pic de la crise migratoire en 2015. Pour cette raison, le projet européen ne sera pas totalement abouti sans l’adhésion des pays de cette région, a-t-il ajouté. Le sommet informel, réuni par le président de la Bulgarie, est consacré à l’avenir de l’UE, la lutte contre le terrorisme et la crise migratoire.
Lors du Conseil européen de Bratislava, qui examinera également la crise migratoire, les pays du groupe de Visegrád vont faire une série de propositions, dont la plus importante concerne la protection de la frontière entre la Bulgarie et la Turquie, a annoncé aujourd’hui Janos Lazar, chef de cabinet du premier ministre hongrois. L’Europe a la responsabilité d’aider financièrement et logistiquement la protection des frontières bulgares, tandis que celle de la Bulgarie est de garantir que l’argent européen sera dépensé correctement, commente de son côté Standart.
Il n’y pas de position gagnante pour répondre à la crise migratoire et il faut accepter l’idée qu’elle durera assez longtemps, commente pour le même journal Adelina Marini, journaliste et spécialiste des affaires européennes. La seule option que l’Union a est de faire en sorte que la situation ne se détériore pas davantage. Pour ceci l’UE doit être unie, mais les principaux messages que ses leaders envoient concernent la sécurité interne nationale, tandis que l’unité de l’union reste au second plan. Le sommet à Bratislava sera marqué par des disputes : le groupe de Visegrád ne fera pas des concessions au sujet des réfugiés, tandis que Rome « vendra cher la pression migratoire en échange de sérieuses concessions sur la politique fiscale », estime Mme Marini.
A présent l’Europe est tiraillée entre deux extrêmes. D’un côté Angela Merkel est responsable du fait qu’elle n’a pas consulté ses partenaires sur sa décision [de 2015] concernant les réfugiés et a pratiquement mis fin à des textes législatifs européens en vigueur. Du point de vue moral, la chancelière allemande peut avoir raison ; mais du point de vue juridique, elle devait discuter ses décisions avec ses partenaires européens, considère la journaliste. L’autre extrême est symbolisé par Viktor Orbán, qui prend également ses décisions seul. Les actions de Mme Merkel et de M. Orbán nuisent à l’unité de l’UE.
Quant à la Bulgarie, le premier ministre a raison d’insister sur le fait que les règles doivent être respectées et que l’unité de l’UE doit être préservée. Mais il va « commettre une erreur s’il tente de vendre cette position pro-européenne en échange de l’adhésion du pays à l’espace Schengen ». Son jeu d’intermédiaire entre Bruxelles et Ankara est également dangereux. M. Borissov devrait rester strictement aligné sur une position européenne commune, souligne la journaliste. (tous journaux)
La rédemption
Seuls le départ à la retraite ou la mort sont en mesure de mettre fin à la carrière d’un cadre responsable au ministère de l’intérieur
Yotko Andreev, ancien vice-directeur de la police aux frontières chargé des marchés publics, obligé de démissionner en août dernier à la suite de la révélation de l’attribution d’un marché public de 100 000 euros pour transport légal de migrants clandestins à une société dont le propriétaire est accusé d’un trafic de 65 000 migrants (voir la revue du 19 août), a été promu un jour après que la ministre avait signé sa démission. Il est actuellement chef d’un département au sein de la direction de la migration.
« Le ministère de l’intérieur a clamé fort la démission d’un responsable de la police à la frontière qui a ensuite silencieusement été nommé à un autre poste de direction », titre Sega à la une. « Le ministère de l’intérieur pratique la promotion par la révocation », précise le journal dans une analyse qui décrit ce mode opératoire devenu traditionnel pour ce ministère qu’on qualifie souvent d’Etat dans l’Etat.
Lorsqu’on fait du tintamarre au sujet de la révocation d’un chef de la police mis en cause pour corruption, abus de pouvoir ou conflit d’intérêt, il ne faut pas croire que le coupable sera puni. D’abord, la notion de révocation n’est pas exacte dans la mesure où l’on demande la démission du responsable en question. Ensuite, parallèlement au dépôt de la demande de démission d’un poste à responsabilités (et non pas de la police), le fonctionnaire fautif introduit une demande de nomination à un autre poste de responsabilité. Ses supérieurs hiérarchiques attendent une semaine ou deux pour que l’écho de l’indignation cesse dans l’espace public avant de signer un décret de nomination à ce nouveau poste. Si jamais les médias s’en aperçoivent, on leur explique que « c’était un bon policier bien qu’en tant que directeur il n’ait pas su bien évaluer la situation en l’espèce ». On oublie la « bévue » et la carrière de ce cadre du ministère de l’intérieur prend son essor. Ses subordonnés restent ainsi avec l’impression que violer la loi est possible lorsqu’on est chef et que ce n’est que le départ à la retraite ou la mort qui sont en mesure de mettre fin à la carrière d’un chef.
L’application de ce mode opératoire a récemment été démontrée une fois de plus lorsque le directeur régional de la police de Blagoevgrad, Rossen Tanouchev, a pris l’initiative de « sauver l’honneur » du premier ministre à l’égard de qui des propos cyniques étaient tenus par le propriétaire (Metodi Batchev) d’une entreprise (Agromah) qui s’est fait attribuer pendant les quelques dernières années des contrats de marchés publics d’un montant de 300 millions d’euros. Accusé d’abus de pouvoir à cause de la mise en garde à vue de ce propriétaire « cynique », Rossen Tanouchev s’est vu obligé de donner sa démission et de devoir choisir entre une promotion à Sofia et la nomination au poste de chef de la police judiciaire de la ville de Petrich, située dans sa région natale.
Rien de nouveau sous le soleil, s’exclame la journaliste de Sega, qui rappelle « les révocations » au printemps dernier des directeurs régionaux de la police de Stara Zagora, Sofia-région, Vidin, Dobritch, Razgrad, en raison de « leurs mauvais résultats et leur incapacité à faire face à la contrebande ». Il est étonnant que le ministère de l’intérieur puisse encore être perçu comme garant des droits de l’homme et de l’ordre public, conclut la journaliste. (Sega)
Le discours
La Bulgarie, le pays de Peevski : à qui la faute ?
Un discours d’adieu, prononcé mardi dernier par l’ambassadeur de France devant le Club atlantique, à la fin de son mandat à Sofia, alimente le débat sur l’état et l’avenir de la Bulgarie et de ses citoyens.
Dans un éditorial, rédigé sous forme de lettre ouverte à l’ambassadeur de France, le site en ligne ClubZ salue la franchise amicale avec laquelle ce dernier a toujours abordé les questions sur les réformes inachevées ou la justice.
« Vous faisiez cela en marchant sur le fil du rasoir de ce qui est permis pour un diplomate et votre dernier discours ne fait pas exception », écrit ClubZ. Et il est difficile d’objecter contre des constatations mettant en avant des vérités. Comme celles des « pommes pourries » au sein de la justice, de l’instrumentalisation de celle-ci par les oligarques ou de l’absence d’énergie sociale et de volonté politique pour changer le statu quo.
Oui, c’est la vérité, mais à moitié, relève ClubZ. L’autre moitié, qui ne figurait pas dans le discours, est que depuis dix ans, tout cela se produit sous le regard bienveillant de l’Union européenne, dont la France est un des piliers.
Delian Peevski n’est pas un simple quidam. C’est l’image banale du mal qui empêche la Bulgarie de rompre avec le passé, avec ses dépendances et comportements géopolitiques. Peevski incarne un modèle, le modèle #Qui, au sein duquel son rôle est tout petit. Mais il a des patrons que l’Europe soutient, relèvent les auteurs.
Bien que d’une autre importance si on le compare au terrorisme, à la crise de l’euro, à la crise migratoire ou au Brexit, le phénomène Peevski est un exemple que le modèle de « notre crapule », notre Trujillo, notre Somoza, datant de l’époque de la guerre froide, est toujours vivant dans les relations entre les « vieilles » et les « nouvelles » démocraties au sein de l’UE. Et c’est la raison pour laquelle la confiance des majorités europhiles en Europe orientale dans l’avenir du projet européen commence à s’effriter. Le comportement hypocrite de l’Europe vis-à-vis du modèle Peevski est un exemple de l’abdication de celle-ci, au nom des égoïsmes nationaux et des intérêts de parti mesquins, de son rôle transfigurateur.
« Voilà pourquoi lorsque vous critiquez la corruption et la justice bulgares, n’oubliez pas que ce sont vos pays, vos gouvernements et vos politiciens qui ont contribué à ce que les choses soient telles qu’elles sont aujourd’hui. Ce qui ne dispense pas les Bulgares de leur devoir de nettoyer leur propre pays et d’y mettre de l’ordre », conclut ClubZ.
La journaliste Polina Paounova réagit à son tour, sur le site Egoïste, au discours.
Les rentrées politiques en Bulgarie se suivent et rien ne change. Tout ce qu’on se dit des acteurs doit être dit « entre nous ». On ne lave pas son linge sale en public. On garde la puanteur au sein de la maison, bien qu’on sache d’où viennent et les gaz nauséabonds, et les parfums. Si ce n’est pas très confortable, au moins ce n’est pas trop compromettant, souligne Mme Paounova.
Mais voilà un observateur externe qui choisit de ne pas se taire diplomatiquement, de formuler un diagnostic précis. « Cependant, cet observateur s’est gravement trompé sur le traitement à proposer : si vous émigriez, c’est à Peevski que vous laisseriez votre pays, a-t-il dit. […] Non, la vérité est tout autre. Que vous partiez ou que vous restiez, la Bulgarie restera toujours le pays de Peevski. Il restera toujours un personnage important. Il continuera à gouverner ».
Oui, du point de vue formel, la Bulgarie est un pays euro-atlantique, membre de l’UE et de l’OTAN. Mais du point de vue mentalité, elle reste très loin de ces sigles, conclut la journaliste. (clubz.bg, egoist.bg)
Cette revue de presse, qui ne prétend pas à l’exhaustivité, se limite à présenter des éléments publiés dans les médias bulgares. Elle ne reflète en aucun cas la position de l’ambassade ou du gouvernement français.
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