Jeudi 7 avril

Le revers

La réforme de l’intérieur proposée par Mme Batchvarova à nouveau critiquée de toute part

La commission parlementaire de sécurité intérieure et d’ordre public a rejeté le projet d’amendement à la loi sur le ministère de l’intérieur par six voix (GERB) « pour », trois « contre » (PSB) et sept absentions. Un résultat attendu, selon la presse bulgare, dans la mesure où, lors des consultations publiques en mars dernier, aucun parti n’avait soutenu le projet. Il s’agit en effet d’« une mouture beaucoup plus douce » que celle concoctée à l’automne dernier par le ministre des finances qui avait soulevé une vague de protestations en novembre dernier (voir nos revues des 2, 5, 6 et 9 novembre 2015).

La diminution des nombreux privilèges accordés aux agents de ce ministère est restée au cœur de la réforme proposée par la ministre Batchvarova après le retrait, sous la pression des manifestants, du projet du ministre des finances. Il s’agit notamment de la réduction des indemnités versées aux agents des institutions relevant du secteur de la sécurité au moment de leur départ à la retraite de 20 mois de salaire à 12 (contre 10 dans le projet du ministre des finances), cette nouvelle disposition ne concernant que les fonctionnaires recrutés après l’entrée en vigueur de la loi amendée. Une autre proposition se rapporte à la réduction des congés payés de 30 à 25 jours (contre 20 selon la proposition du ministre des finances). Les autres propositions d’amendements prévoient que la prime d’ancienneté et le supplément couvrant entièrement ou partiellement les frais de repas soient inclus dans le salaire au lieu d’être versés à part.

« Il y a de très bonnes propositions mais le projet de loi dans son ensemble ne répond pas aux attentes de la société et ne correspond pas aux intentions initialement déclarées par le GERB concernant la réforme du secteur de la sécurité », a déclaré Tsvetan Tsvetanov, vice-président du GERB et président de la commission parlementaire de la sécurité intérieure et de l’ordre public. Il a condamné l’absence de communication entre la commission parlementaire compétente et le ministère de l’intérieur. « Je ne sais toujours pas qui a proposé ce projet de loi et je ne pense pas que vous l’ayez compris en profondeur », a-t-il souligné en s’adressant aux députés. Selon lui, le ministère de l’intérieur doit pouvoir réduire la déperdition d’effectifs au sein du système de la sécurité dans le contexte actuel de crises qui implique plus de forces. Or, selon M. Tzvetanov les nouvelles dispositions sont annonciatrices de nouvelles démissions en masse.

Le PSB soutient l’idée de réformer le ministère de l’intérieur mais s’oppose à des réformes tardives qui ne viennent que pendant la deuxième moitié du mandat du gouvernement, a déclaré Atanas Merdjanov qui a pointé l’absence de dispositions prévoyant une meilleure motivation des fonctionnaires.

Selon Yavor Haïtov du Centre démocratique bulgare, le GERB n’a pas respecté son programme électoral, dont la pierre angulaire était la réforme du ministère de l’intérieur, qui suppose d’amender cinq lois.

Svetoslav Belemezov d’ABC s’est dit contre des propositions de réforme qui ne changent pas la donne de l’instabilité du système de sécurité.
Atanas Atanassov du Bloc réformateur s’est opposé à ce que des économies soient réalisées sur les salaires des fonctionnaires.

Le MDL a marqué son désaccord avec la plupart des dispositions proposées.

A l’issue de la réunion de la commission parlementaire, Roumiana Batchvatrova, ministre de l’intérieur, a considéré que les raisons pour lequelles le projet n’a pas été soutenu sont d’ordre politique et que les députés n’ont pas compris l’idée de la réforme. Elle a assuré avoir suivi les principes de l’ancienne loi et ne pas s’être trompée. C’est pourquoi elle n’envisage pas de donner sa démission.

La presse précise que, si le projet de loi n’était pas adopté en première lecture en salle plénière, six mois seraient nécessaires pour réintroduire un projet de loi complètement refait.

Dans une analyse dans Sega intitulée « Le ministère de l’intérieur est en voie de désagrégation », Petar Petrov considère que la réforme proposée, non seulement, n’aura aucun apport, mais risque même d’approfondir les problèmes : économiser 65 millions de leva dans 10-15 ans au plus tôt ne pourra pas contribuer à la réforme d’un ministère qui se dégrade d’une année sur l’autre. Dans la perspective des réformes, 4200 fonctionnaires ont d’ores et déjà démissionné du début de 2015 à mars 2016. Cela représente 10% des effectifs de ce ministère qui s’élèvent, selon une dernière note d’information, à 49 752 personnes dont 25 000 en tenue. Selon cette même note, 11 des 28 postes de direction sont également vacants. Tant que la réforme se résumera à des navettes dans les couloirs des institutions du gouvernement et du Parlement, certains policiers au lieu de se lamenter s’organiseront en réseau de trafic de stupéfiants, ironise Sega en faisant allusion à l’arrestation récente de deux policiers trafiquants de stupéfiants à Sofia (voir notre revue du 31 mars). (Tous journaux)

Les déclarations

Roumiana Batchvarova : Pour l’instant, les nouvelles routes migratoires ne se réorientent pas vers la Bulgarie

Les nouvelles routes migratoires ne passent pas par la Bulgarie pour l’instant ; après la fermeture de la « route des Balkans » le flux s’est réorienté vers l’Italie, a expliqué la ministre de l’intérieur Roumiana Batchvarova devant la commission parlementaire spécialisée. Selon les experts, la pression migratoire sur l’Italie devrait augmenter. Cependant, après l’entrée en vigueur de l’accord entre l’UE et Ankara, le flux de migrants de la Turquie vers la Grèce a baissé visiblement. Le texte, adopté par les Etats membres et le gouvernement turc lors du sommet des 17 et 18 mars, prévoit que tous les nouveaux migrants irréguliers se rendant depuis la Turquie vers les îles grecques seront renvoyés en Turquie (voir la revue du 21 mars).

Selon Mme Batchvarova, sur la base des nouvelles règles, la Bulgarie pourra également renvoyer des migrants entrés sur son territoire par la Turquie. « Avant la signature de l’accord, nous avons souligné qu’il devrait également tenir compte du danger de création de nouvelles routes migratoires… Au niveau européen, toutes les institutions sont conscientes de ce danger », a-t-elle ajouté [avant le sommet des 17 et 18 mars, le premier ministre bulgare avait envoyé une lettre au président du Conseil européen Danald Tusk dans laquelle il soulignait que les frontières terrestres de la Turquie avec les Etats membres ainsi que les frontières maritimes entre la Turquie et l’UE devaient figurer dans l’accord. Mais après la signature, des experts bulgares ont signalé que la Bulgarie ne figure pas dans l’accord et qu’aucune disposition ne mentionne le pays] (voir les revues du 14 et du 21 mars). Mme Batchvarova fait valoir qu’un accord de réadmission avec la Turquie a été approuvé et qu’il sera signé bientôt. « Ainsi, on pourra renvoyer vers la Turquie de manière officielle et selon des règles établies les migrants qui franchissent clandestinement notre frontière avec ce pays », a-t-elle souligné.

Selon la ministre, la prolongation de la clôture à la frontière avec la Turquie sera prête d’ici juin. Le prix trop élevé de la construction (non définitif, 100 millions de leva, soit 1 million par kilomètre) a été critiqué à maintes reprises par la presse (voir la revue du 10 mars). Sofia est prête à ériger en cas de besoin des clôtures temporaires à sa frontière avec la Grèce. Pour l’instant, l’armée ne s’est pas encore jointe à la protection de la frontière ; les militaires seront déployés en cas de pression migratoire massive par des groupes de plus de 1 000 migrants, a expliqué Mme Batchvarova.

Antonio Anguelov, chef de la police aux frontières, a démenti la participation d’agents de la PAF dans des réseaux de trafiquants de migrants. La police a mené une enquête intérieure suite à la diffusion sur Internet d’une vidéo montrant un large groupe de migrants franchissant la frontière sous le regard bienveillant de policiers bulgares. Les agents qui sont sur cet enregistrement n’ont pas commis d’actes irréguliers car il s’agit d’un poste de surveillance, tandis que les agents qui doivent arrêter les migrants étaient déployés à l’intérieur du territoire, a souligné le chef de la PAF. Une décision d’arrêter les migrants plus loin après leur passage de la frontière, a été prise pour que le groupe ne se disperse pas, a expliqué M. Anguelov. Selon lui, rien n’indique que les policiers aient été corrompus. (mediapool.bg, bnr.bg)

La mémoire

La Turquie s’oppose à la coopération transfrontalière avec des communes bulgares ayant reconnu le génocide arménien

Le ministère turc des affaires étrangères s’oppose à la coopération décentralisée avec certaines communes bulgares dans le cadre de programmes opérationnels européens visant à promouvoir le développement intégré entre régions frontalières. C’est ce qu’affirme le député PSB Atanas Zafirov dans une demande d’explications adressée au ministre des affaires étrangères Daniel Mitov et à la ministre du développement régional et de l’aménagement du territoire, Liliana Pavlova.

Selon le député, il a été formellement interdit aux vilayets d’Edirne et de Kırklareli de travailler sur des projets européens conjoints avec les communes de Bourgas, Khaskovo et Svilengrad. Chacune de ces communes avait récemment pris une position sur la question de la reconnaissance du génocide des Arméniens, ce qui heurterait Ankara.

Ainsi par exemple, en 2008, le conseil municipal de Bourgas avait adopté une déclaration condamnant le génocide des Arméniens. Une semaine plus tard, le gouverneur régional d’Edirne, Nusret Miroğlu, avait écrit au maire de Bourgas lui faisant savoir que la décision prise par les conseillers municipaux sur une telle « date contestable au regard de l’histoire risque de sérieusement compromettre les relations de bon voisinage entre nos deux pays et la coopération dans le domaine social, culturel et économique ». Depuis, la commune de Bourgas n’arrive plus à trouver de partenaires turcs pour des projets à financer par le programme Interreg (15 millions d’euros prévus pour la période 2014-2020) et le programme pour le bassin de la mer Noire. Selon la maire adjointe de cette ville, Rouska Boyadjieva, pendant la période de programmation précédente du programme pour le bassin de la mer Noire, la commune aurait perdu un projet pour 485 000 euros dans le domaine du tourisme parce que le partenaire turc, la ville de Sinop, s’était retiré au dernier moment.

En 2015, le conseil municipal de Khaskovo avait décidé de commémorer l’anniversaire du génocide arménien et d’appeler un des parcs dans cette ville « le parc des Arméniens ». Peu de temps après, le maire d’Edirne avait laissé entendre de façon informelle que le ministère turc des affaires étrangères lui interdisait de travailler avec cette commune bulgare. Ce qui avait mis fin aux discussions sur la mise en place d’un dispositif de lutte contre les sinistres qui visaient à résoudre le grave problème des inondations causé par les débordements de la Maritsa.

A Svilengrad, la situation est identique. Seules des organisations non-gouvernementales peuvent coopérer avec des partenaires turcs.

Toutefois, des villes bulgares coopèrent avec des communes turques dans le cadre de projets transfrontaliers. A quel prix ? En 2012, les conseillers municipaux de Yambol ont annulé une déclaration de reconnaissance du génocide arménien adoptée par leurs prédécesseurs. Aujourd’hui, la commune n’a pas de problèmes dans la réalisation de projets conjoints transfrontaliers avec la Turquie. (Troud)

Dernière modification : 07/04/2016

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