Vendredi 19 février

La joute

Rejet de la motion de censure contre la politique de santé

Comme prévu, la première motion de censure contre le deuxième gouvernement Borissov n’a pas réussi à réunir les votes nécessaires aujourd’hui. La responsabilité du gouvernement a été mise en cause sur « l’échec » de la politique de santé du ministre Petar Moskov (Bloc réformateur, Démocrates pour une Bulgarie forte ). 130 députés ont votés contre la motion (GERB, Bloc réformateur, Front patriotique, ABC et 3 députés non-inscrits), 80 l’ont soutenu (PSB, MDL, Ataka et 3 députés non-inscrits) et les députés du Centre démocratique bulgare se sont abstenus. Dnevnik titre : « 135 députés ont soutenu le gouvernement » en faisant allusion au coup de pouce au gouvernement des députés qui ont décidé de s’abstenir. Les médias soulignent également le fait qu’Ataka a soutenu une démarche du MDL ce qui témoigne au chaos au sein de l’opposition.

La motion de censure a été déposée la semaine dernière par 69 députés du PSB et du MDL, plus Gueorgui Kadiev et Velizar Entchev, non-inscrits (voir notre revue du 12 février). Un geste vu par les médias et les experts comme strictement politique et n’ayant presque rien à voir avec la politique réelle du ministère de la santé. Le PSB et le MDL ont pris du temps pour se mettre d’accord sur le sujet qu’ils allaient choisir pour cette motion, rappelle dans une interview pour l’agence de presse Focus Antonii Galabov. Ce « positionnement politique », comme le sociologue appelle la motion de censure, porte deux messages : la traduction dans les faits de l’effort du PSB pour incarner une véritable opposition et le changement de stratégie du MDL désormais soucieux de se rapprocher des socialistes.

Dans un commentaire pour Standart, Parvan Simeonov soutient cette thèse. Il note également l’effort du MDL de s’afficher en tant qu’opposition « ou au moins de paraître comme telle ». Selon ce politologue, le premier ministre a également profité de cette motion de censure. D’un côté c’est une possibilité pour lui de marquer une certaine distance vis-à-vis du MDL. De l’autre cette motion a forcé Radan Kanev, le leader des Démocrates pour une Bulgarie forte, passé dans l’opposition, à mettre de l’eau dans son vin pour ne pas voter contre un membre de son propre parti.

La majorité a réaffirmé son soutien à la politique du gouvernement, a commenté M. Moskov. « Cette motion n’est pas une motion contre la politique de la santé. Elle a été déposée car les structures qui se sont infiltrées économiquement et financièrement dans le système de santé bulgare se sentent menacées », avait-il déclaré lors des débats en salle plénière mercredi dernier.

M. Moskov est une cible facile, commente le sociologue Kolio Kolev dans Standart. Au-delà des aspects politiques, le système de santé bulgare souffre de graves problèmes. « La « mafia pharmaceutique » et « le business » du médical en général apportent plus de profit que le trafic de drogue et d’êtres humains. Il y a beaucoup de choses à régler dans ce secteur, mais est-ce que cela est fait de la meilleur manière est toute une autre question », conclut le sociologue. (tous journaux, focus-news.net, dnevnik.bg)

La sélection

Election du nouveau collège de l’Inspection des services judiciaires par le Parlement

En une demi-heure et sans débat, l’Assemblée nationale a élu à la majorité qualifiée (2/3) en une demi-heure les dix inspecteurs des services judiciaires auprès du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) sur les dix-neuf candidats que la commission parlementaire des affaires juridiques avait entendus le 20 janvier. Les noms des dix-neuf candidats ont été soumis au vote sans présentation préalable. Quatre des dix élus (5 juges, 3 procureurs et 2 enquêteurs) avaient été proposés par le GERB et chacun des six autres par l’un des autres groupes parlementaires à l’exception d’Ataka. Les candidatures de quatre des dix nouveaux inspecteurs avaient été soutenues par les magistrats de la Cour suprême de cassation (CSC), de l’Association des juges administratifs et par la chambre des magistrats-enquêteurs.

Teodora Totchkova, inspectrice générale des services judiciaires, a exprimé sa satisfaction de cette élection « réussie de bons professionnels ayant apporté la preuve de leurs compétences ».

Capital Daily, qui présente brièvement les biographies des dix nouveaux inspecteurs, rappelle que certains d’eux avaient été chargés d’affaires sensibles à grand retentissement médiatique comme par exemple Iouriï Krastev (GERB), juge à la deuxième chambre pénale de la CSC, qui a connu des affaires contre Christo Kovatchki, oligarque, Lidia Chouleva, ancienne ministre de l’économie, Nikolaï Tsonev, ancien ministre de la défense, Petar Santirov, juge au TGI de Sofia et Tentcho Popov, secrétaire général du ministère des finances, tous acquittés. Lidia Stoyanova (GERB), juge à la deuxième chambre pénale de la CSC, a géré l’affaire relative à la réouverture du procès sur l’homicide d’Anguel Dimitrov Tchorata (la Bulgarie a été condamnée par la Cour de Strasbourg) ainsi que celle concernant la tentative d’assassinat d’Ahmed Dogan. Teodora Ninova (ABC), juge à la Cour de cassation, avait proposé en tant que membre du CSM en 2011 l’ouverture d’une procédure disciplinaire contre Miroslava Todorova, ancienne présidente de l’Union des juges de Bulgarie, engagée dans des polémiques très médiatisées contre le ministre de l’intérieur Tsvetan Tsvetanov (en 2014, la juge avait intenté une action en justice à l’encontre de l’ancien ministre de l’Intérieur Tsvetanov, accusé de liens avec la criminalité organisée). Lioubka Kabzimalska (MDL), devenue responsable adjointe du parquet d’arrondissement de Sofia peu après la nomination de Sotir Tsatsarov, a été l’un des quatre procureurs ayant témoigné contre Kamen Sitnilski, ancien membre du CSM (révoqué du collège en 2014 par le CSM en violation de la loi sur le pouvoir judiciaire après s’être déclaré contre l’élection par le CSM de Sotir Tsatsarov au poste de procureur général). Stefka Mouliatchka (Centre démocratique bulgare), enquêteur, a été chargée de l’enquête judiciaire relative à l’assassinat à Paris de l’étudiant Martin Borilski. Alexander Moumdjiev (PSB), enquêteur au département d’enquête du Parquet de Sofia, a fait partie du premier collège de l’inspection des services judiciaires (2008-2012) qui selon Capital Daily « a joué le rôle de massue contre les gêneurs ». Le quotidien ne voit pas parmi les dix nouveaux inspecteurs des magistrats qui se soient opposés au fonctionnement du système judiciaire et considère que cette sélection « garantie par le GERB » n’augure pas de perspectives de changement d’ici 2020.

Capital Daily rappelle qu’à la suite des amendements constitutionnels adoptés en décembre et de leur déclinaison dans les futurs amendements de la loi sur le pouvoir judiciaire, les pouvoirs de l’inspection des services judiciaires seront étendus au contrôle en matière d’intégrité, de conflits d’intérêts, d’actes de nature à porter atteinte à l’image du pouvoir judiciaire et à l’indépendance des magistrats. Ainsi, l’inspection des services judiciaires se transformerait en théorie en filtre des pratiques de corruption et des dépendances des magistrats. (tous journaux)

L’analyse

La dégradation des comptes publics depuis 2008 s’explique surtout par les effets d’un système clientéliste, désormais à bout de souffle

La Bulgarie envisage de souscrire une nouvelle dette extérieure à hauteur de 2 milliards d’euros remboursable en dix ans, annonce aujourd’hui Capital Daily en se référant à des sources du ministère des finances. Avec cette nouvelle émission qui sera réalisée en mars prochain, la dette extérieure sera portée à presque 10 milliards d’euros au total.

Sega publie le point de vue de l’économiste Dimiter Ganev de l’Institut pour l’économie de marché qui analyse dans un livre paru récemment (Anatomie de la crise, 2015) les tenants et les aboutissants de la dérive des comptes publics au moment de et après la crise mondiale.

La Bulgarie est entrée dans la crise globale après une période de dix années de croissance soutenue, d’investissements étrangers record et de comptes publics excédentaires qui avaient permis la constitution d’une réserve fiscale. Mais l’augmentation des recettes publiques a eu pour corollaire l’accroissement des dépenses et l’affaiblissement de la pression sur le budget. Les données relatives au solde structurel, c’est-à-dire la balance débarrassée de l’impact de la conjoncture, montrent que dès 2007-2008, années qui auraient pu être particulièrement fortes du point de vue fiscal, la Bulgarie s’est orientée vers la liquidation des excédents.

L’analyse de la récession de 2009 engendrée par la crise globale montre qu’en Bulgarie, elle n’a duré qu’un an et demi. Mais elle a été suivie par une reprise particulièrement lente, tirée à grande peine par les exportations. L’économie nationale a mis six ans pour renouer avec ses niveaux de 2008. De sérieuses faiblesses structurelles de l’économie et des finances publiques ont éclaté au grand jour. De 2009 à 2011, la dette publique n’a pas connu d’accroissement important parce que les déficits de près de 5 milliards de leva ont été couverts par la réserve fiscale (y compris par celle de l’assurance-maladie) accumulée pendant la période précédente.

Fin 2012, la Bulgarie semblait enfin tirée d’affaire. Le gouvernement prévoyait même d’en finir en 2015 avec les déficits budgétaires. Toutefois, cette fragile stabilisation n’a pas débouché sur un règlement des profonds problèmes structuraux. Les timides efforts de réforme du système des retraites, l’accumulation de déficits cachés dans le secteur de l’énergie, la tension sociale accumulée pendant les années, le refus de réformes et le sentiment grandissant de dépendances occultes au plus haut niveau ont poussé le pays vers une grave crise politique. La période 2013-2014 s’est caractérisée par un taux de confiance extrêmement bas dans les institutions et par nombre de manifestations. La crise politique n’a pas provoqué de récession, mais elle a secoué de fond en comble le modèle économique. L’instabilité politique et la reconfiguration des dépendances occultes du pouvoir ont conduit au déraillement des comptes publics en 2013 et 2014 et culminé avec la faillite d’une des plus grandes banques. En effet, l’affaire KTB a marqué l’aboutissement des conflits entre coteries politiques dans le cadre du modèle clientéliste qui avait permis l’expansion artificielle d’un établissement bancaire grâce à la concentration de ressources publiques ou quasi-publiques et l’orientation de ces ressources vers des projets d’investissements de personnes liées.

Le déficit budgétaire accumulé en 2013 et 2014 a dépassé 4,5 milliards de leva, compte non tenu des fonds engloutis par la crise KTB. En réalité, les déficits générés par la crise politique ont sérieusement dépassés ceux provoqués par la crise économique de 2009. La dette publique a augmenté de 15-17% du PIB en 2009-2011 à 27% fin 2014.

En 2015, le pays a retrouvé la stabilité politique, ce qui a eu pour effet une nette amélioration de l’exécution des recettes. Toutefois, une rectification de la loi des finances prévoyait non seulement de dépenser cet argent, mais aussi de faire grimper le déficit. Selon les prévisions officielles, pendant au moins dix années consécutives, la Bulgarie aura à faire face à des problèmes de déficit, ce qui témoigne d’un sérieux problème structurel dans les finances publiques.

L’évolution des comportements sociaux en 2009-2015 est un fait, mais on observe des processus divergents. D’une part, l’éveil de la société civile et le débat sur la réforme judiciaire, y compris sur la révision de la Constitution, montrent qu’un point de non-retour est atteint : le modèle clientéliste dans sa forme actuelle est épuisé et il existe des attentes d’un changement plus profond, ce qui est prometteur. A l’inverse, on observe une renaissance des « illusions fiscales », des comportements selon lesquels on peut vivre sur le dos d’autrui, que l’Etat peut résoudre des problèmes privés avec des ressources publiques. Ces attentes vont faire du déficit la norme pour les dix prochaines années. (Capital Daily, Sega)

Cette revue de presse, qui ne prétend pas à l’exhaustivité, se limite à présenter des éléments publiés dans les médias bulgares. Elle ne reflète en aucun cas la position de l’ambassade ou du gouvernement français.
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Dernière modification : 19/02/2016

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