Vendredi 5 février

La visite

M. Borissov à Londres : l’ampleur de la crise des réfugiés syriens exige une solution globale

Les 3 et 4 février, le premier ministre Boïko Borissov s’est rendu à Londres pour prendre part à la conférence internationale « Soutenir la Syrie et la région ».

La Bulgarie est particulièrement intéressée à une solution très prochaine du conflit en Syrie et à la stabilisation de la région, y a déclaré M. Borissov. La contribution bulgare s’élèvera à 400 000 euros, ce montant s’inscrivant dans l’aide globale réservée par la Bulgarie au règlement de la crise des réfugiés. Pour répondre aux besoins en nourriture des réfugiés et assurer un accès équitable à l’éducation pour leurs enfants hors de Syrie, le gouvernement bulgare déboursera 250 000 euros qui seront mis à disposition au Programme alimentaire mondial et à l’UNICEF. En outre, cette année, la Bulgarie versera 100 000 euros au fonds fiduciaire européen consacré à la crise syrienne et s’acquittera de ses contributions à d’autres instruments et programmes d’aide aux réfugiés et aux personnes déplacées en Syrie, a annoncé le chef du gouvernement.

M. Borissov a appelé à une réponse globale à la crise syrienne, à une réflexion plus engagée sur les meilleurs moyens de soutenir les pays de la région afin d’y créer des possibilités économiques, des emplois et de promouvoir la scolarisation des enfants syriens, ainsi que de permettre à ceux qui ont fui de rester le plus près de leurs terres d’origine et d’y faciliter leur retour dès que la situation le permettra.

En dehors de sa participation au forum international sur la Syrie, M. Borissov a rencontré pendant son séjour dans la capitale britannique un nombre impressionnant de dirigeants mondiaux. Konstantin Dimitrov, ambassadeur de Bulgarie à Londres, évoque une visite « particulièrement réussie » dans les colonnes de 24 Tchassa.

M. Borissov a rencontré des homologues des pays de l’Europe du Sud-Est, ainsi que le président de l’ARYM. Auprès de M. Tsipras, il a insisté pour que la libre circulation des personnes et des marchandises soit rétablie entre les deux pays. Avec M. Davutoğlu, il a réexaminé l’idée d’un dialogue tripartite en matière d’énergie (Bulgarie-Grèce-Turquie) au niveau de ministres des affaires étrangères et, à une étape ultérieure, à celui de chefs de gouvernement. Le thème de la création sur le territoire bulgare d’un « hub gazier » dénommé Balkan a été abordé avec MM. Tsipras et Davutoğlu, mais également avec Bob Dudley, PDG de British Petroleum, lors d’un petit-déjeuner de travail, en ce qui concerne l’attraction d’importants investisseurs occidentaux, et avec David Cameron, en ce qui concerne sa dimension politique. Le premier ministre britannique a exprimé le soutien puissant de son gouvernement à l’étude et à la mise en œuvre du meilleur modèle de distribution de gaz afin de garantir la diversification des approvisionnements.

Le thème de l’adhésion de la Grande-Bretagne à l’UE et les réformes de l’Union a également figuré au centre de l’entretien entre MM. Borissov et Cameron. « Un processus qui se terminera probablement les 18 et 19 décembre à Bruxelles, mais à l’étape actuelle nous voyons une bonne base pour aller vers une solution mutuellement acceptable et capable de garantir qu’une Grande-Bretagne forte maintiendra son adhésion à une UE toujours plus forte et plus unie », résume M. Dimitrov.

Plus loin, l’ambassadeur de Bulgarie énumère les entrevues de M. Borissov avec le président de l’UE Donald Tusk et avec le président du Parlement européen Martin Schulz avec lesquels il a de nouveau abordé le thème de l’adhésion de la Grande-Bretagne à l’UE, ainsi que ceux de la crise migratoire et de l’absorption des fonds européens.

Pendant son entretien avec le ministre des affaires étrangères iranien, le chef du gouvernement bulgare a reconfirmé son intention de visiter très prochainement l’Iran à l’invitation de son homologue iranien afin de relancer les très vieilles relations économiques entre les deux pays.

Avec le secrétaire d’Etat américain John Kerry, M. Borissov a passé en revue les progrès réalisés dans les travaux des quatre groupes de travail créés il y a un an dans le cadre de la coopération stratégique entre les deux pays.

Parmi les autres entretiens importants de M. Borissov, il faut mentionner ceux avec le ministre chinois des affaires étrangères et avec le président d’Azerbaïdjan Ilham Aliev, ainsi qu’avec le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. M. Ban a hautement apprécié la contribution bulgare à la solution de la crise syrienne. Lors de cette entrevue, la question d’une candidature bulgare au poste le plus élevé dans l’organisation mondiale n’a pas été abordée, assure M. Dimitrov. (Standart, 24 Tchassa)

La réforme

Le nouveau cadre législatif de l’achat public n’assurera pas l’égalité de traitement des fournisseurs

La nouvelle loi sur les marchés publics a été précipitamment et silencieusement adoptée en deuxième lecture mardi lors d’une séance extraordinaire de l’Assemblée nationale. Cette adoption expresse s’explique par l’arrivée à échéance du délai accordé à la Bulgarie (fin avril 2016) pour la transposition de toutes les directives européennes dans le domaine des marchés publics. Elle constitue également une condition préalable au titre de l’accord conclu entre la Bulgarie et l’Union européenne pour la période de programmation 2014-2020. Les députés ont décidé que la loi entre en vigueur le 15 avril afin que le délai soit respecté.

L’objectif déclaré de cette nouvelle loi vise à réduire les possibilités de favoriser de manière illégale certains candidats au détriment d’autres. De telles pratiques irrégulières ont été reprochées à la Bulgarie dans le rapport de la Cour des comptes européenne. Il a même fallu que la Commission européenne suspende les financements européens afin que la Bulgarie renforce ses systèmes de contrôle.

Or, la loi adoptée mardi dernier risque d’alimenter les pratiques vicieuses, considère Sega. Sous la couverture de belles promesses comme la numérisation des appels d’offres, l’uniformisation des contrats et la protection garantie aux petites entreprises, les députés ont retenu des dispositions qui n’existent dans aucune directive européenne, faussent la concurrence et ouvrent la porte à l’arbitraire et à la corruption.

Bien que les principes de l’intérêt public et du meilleur rapport qualité/prix figurent dans les motifs de la nouvelle loi, pas moins de treize procédures différentes sont désormais prévues dont certaines éliminent la compétition, accordent un pouvoir discrétionnaire aux fonctionnaires, diminuent la liste des participants et faussent ainsi la concurrence.

Afin de faciliter la participation des petites et moyennes entreprises (PME) aux marchés publics, comme le veulent les directives européennes, le législateur bulgare finit par inciter les commissions responsables des appels d’offres à être gentils avec les candidats à problèmes : plusieurs exceptions aux règles et des textes vagues sont prévus. Ainsi, des candidats faisant l’objet d’une liquidation judiciaire ou d’un redressement de bilan pourraient être autorisés de manière discrétionnaire à participer à l’appel d’offres. Une entreprise qui n’a pas été capable de mettre en œuvre un marché public précédent pourrait en remporter un autre si elle parvenait à apporter la preuve de sa fiabilité. La loi bulgare ne précise pas que ces compromis ne seront possibles qu’en l’absence d’autres candidats.

La nouvelle loi prévoit les « marchés urgents » qui permettront à toute commune, agence, ministère ou entreprise publique de plaider l’« urgence impérieuse » pour retenir rapidement la candidature de « notre entreprise » au compromis de prix plus élevés et d’une moins bonne qualité. Dans un tel contexte, en cas de recours, le tribunal et la commission pour la protection de la concurrence auront du mal à juger des circonstances dans lesquelles le marché a été attribué.

Les députés ont également diminué le montant des amendes infligées aux communes ou aux agences en cas de conditions restreignant la concurrence. Ce montant passe de 20 000 leva (dans le projet du Conseil des ministres) à 10 000 leva (conformément à la proposition faite par le député de GERB, Svilen Ivanov). Seul le montant de la sanction prévue pour ceux qui ne respectent pas l’exigence de publication du marché a été maintenu, à savoir 10% de la valeur du marché dans la limite de 50 000 leva.

La nouvelle loi entérine les anciennes pratiques les plus critiquées comme la possibilité d’attribuer des marchés à des fournisseurs de services audiovisuels (chaînes de télévision et radios) sans appel d’offres ni concours. Tomislav Dontchev, vice-premier ministre a justifié cette exception, prévue tant dans l’ancienne comme dans la nouvelle directive européenne, par les restrictions auxquelles est soumis le marché de l’audiovisuel.

Enfin, M. Dontchev a appelé à ne pas s’attendre à ce qu’une loi-cadre comme celle sur les marchés publics puisse répondre à toutes les questions. (mediapool.bg, Sega)

L’analyse

Après la défection des plus réformateurs, stabilité sur un seul pied

Dans une analyse pour Ikonomist, Parvan Simeonov, politologue et directeur exécutif de l’agence de sondage Gallup, revient sur la situation politique dans le pays, les enjeux pour le premier ministre Boïko Borissov et les ambitions du nouveau projet de droite de Radan Kanev, le leader des Démocrates pour une Bulgarie forte (DBF), qui a retiré le soutien de son parti au gouvernement après la démission du ministre de la justice Hristo Ivanov (voir notre revue du 14 janvier).

Selon le politologue, le climat politique du pays a changé ces deux derniers mois. Jusqu’à présent, M. Borissov réussissait à garder l’équilibre entre deux lobbys : celui de #Qui [allusion au député MDL Delian Peevski et aux cercles oligarchiques dans le pays] et celui de la droite libérale. Mais après la démission de M. Ivanov et les manœuvres de M. Kanev, les cercles libéraux et pro-occidentaux ont changé de ton. La légitimité réformatrice du gouvernement est devenue très limitée et sa dépendance envers le modèle #Qui devient de plus en plus visible. Le gouvernement est resté sur un seul pied, mais comment peut-on garder la stabilité ainsi ?, demande M. Parvanov.

A présent, le premier ministre essaye de se donner de la légitimité pro-occidentale, mais le camp de la droite néo-libérale soulève constamment le sujet des élections anticipées. M. Borissov sait très bien qu’en cas d’élections législatives en 2016, le GERB sortirait renforcé du scrutin du fait que certaines des petites formations ne pourraient pas entrer au parlement. Mais il n’aurait pas la majorité pour autant et serait contraint de négocier à nouveau avec le MDL, le PSB et le nouveau format de la droite.

Ce qui serait plus désagréable pour M. Borissov serait l’éventuelle décision du camp #Qui de commencer à lui secouer les branches. Selon M. Parvanov, dans les messages de la presse proche à M. Peevski, certains avertissements dans ce sens commencent à surgir. Le ton de ces médias a changé, il est devenu donneur de leçon.

Il n’est pas surprenant que M. Kanev ait commencé de parler « d’auto-chute » du gouvernement, la stratégie que M. Borissov avait déjà choisie en 2013 quand il s’était « catapulté à temps », rappelle le politologue. Mais maintenant, le premier ministre veut trouver une autre solution : il vient juste de diviser et ainsi de régner sur ses partenaires de coalition et en plus, il ne voudrait pas envoyer le message qu’il s’est enfui à deux reprises.

Quant à M. Kanev, sa stratégie générale est de remplir le vide de l’opposition, mais il ne voit semble-t-il pas très bien comment y parvenir. Il fera une expérience en essayant de réunir les voix du DBF à celles des citoyens protestataires lors des élections présidentielles, mais personne ne peut dire dans quelle mesure il réussira dans cette opération. Il a la chance que les prochaines élections soient présidentielles et non législatives, car un éventuel ralliement de sa part à un candidat fort pourrait lui apporter davantage de suffrages à son entreprise. Mais rien n’est garanti et pour cette raison il n’a toujours pas fermé la porte du Bloc réformateur. Pour lui le Bloc est son plan B, car il sait très bien qu’un jour il sera sans doute obligé d’entrer à nouveau en négociations avec le Bloc, avec GERB, ou avec les deux.

Mais M. Kanev a raison sur une chose : quand il dit que le premier ministre est anxieux. Et pourquoi l’est-il ? Peut-être parce que M. Borissov est conscient que, après la série d’enregistrements du Yaneva Gate, quelque chose d’encore plus gênant pour lui se profile ? Ou bien parce qu’il redoute de nouvelles protestations ? Ou encore parce que son capital de confiance peut s’éroder ? Ou parce qu’il sait très bien que même s’ils sont peu nombreux, les gens de la droite pro-occidentale peuvent faire beaucoup de bruit ? Ou, très probablement, la raison de l’inquiétude du premier ministre est un amalgame de toutes ces hypothèses. Reste à voir qui gardera son sang-froid pour gagner cette guerre des nerfs, conclut le politologue. (Ikonomist)

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Dernière modification : 05/02/2016

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